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L'avenir de l'externalisation en France ?
Tout est décrit dans cet article de Libération avec un modèle qui pourrait bien se généraliser à de multiples industries:
Finis les contrats d'embauche, les charges salariales, les licenciements... Avec leur société de lingerie Luxxa, installée dans leur villa de Rochefort-du-Gard, Jean-Pierre Vandier et sa femme Luiza ont trouvé l'«entreprise idéale», capable de fructifier sans salarié. Leur formule ? Ne fonctionner qu'avec des couturières indépendantes, payées en factures, et jamais en salaires. «C'est mieux pour tout le monde, s'enthousiasme Jean-Pierre Vandier. Car le jour où ça va mal, et que nos commandes baissent, elles ne se retrouvent pas au chômage. Chacune d'elles est censée travailler aussi pour d'autres clients.» Pour les Vandier, la formule semble en effet idéale. Partis avec seulement 1 000 pièces en 2002, ils en ont vendu 16 000 l'année dernière. Et leur succès est aujourd'hui planétaire : soutiens-gorge à dentelles, demi-seins «c'est quand on voit les tétons» , strings, nuisettes transparentes, porte-jarretelles et guêpières sont vendus en Angleterre, en Allemagne, au Japon, au Canada, aux Etats-Unis... Soixante-quinze pour cent de la production partent à l'export, le reste étant distribué via 85 boutiques dans l'Hexagone.
Sylvianne Vergotte vit à Alès. Elle fait partie des trois couturières qui travaillent actuellement pour Luxxa. «J'ai commencé à travailler à 14 ans, dans une usine de pantalons, qui a fermé cinq ans plus tard. Ensuite, j'ai passé seize ans chez Furnon, la très grande usine de vêtements d'Alès. J'y ai gravi tous les échelons : ouvrière simple, puis polyvalente, puis contremaîtresse de chaîne. L'usine a fermé, il y a cinq ans. Mon dernier employeur était un atelier de vêtements de sport, qui a fermé un an après.»
2 euros le string. Aujourd'hui, Sylvianne a 51 ans. Après six mois de chômage, elle s'est lancée, voilà trois ans, à son compte, en aménageant le garage attenant à la maison de ses enfants. Comme ses deux autres «collègues» (qu'elle ne rencontre qu'une fois par an), Sylvianne Vergotte possède sa propre structure, sous la forme d'une «microentreprise» : charges très faibles, comptabilité ultrasimplifiée... En échange : un chiffre d'affaires annuel plafonné à 27 000 euros, avec impossibilité de récupérer la TVA sur les achats de matériel. «Monsieur Vandier nous permet de lui acheter les machines à crédit et à taux zéro, explique Béatrice Brun, couturière à Rochefort-du-Gard. Il retranche simplement 15 % sur ce qu'il nous doit, jusqu'à ce que la machine soit remboursée.» Les ouvrières sont payées à la pièce : autour de 2 euros le string, 3,80 euros le soutien-gorge, 10 euros le body. Luxxa fournit tissus, fils et élastiques, et rajoute sur chaque facture 25 % de charges locatives destinées à couvrir l'électricité, la location du local, les réparations et l'usure des machines, etc.
«Made in France». Pour s'en sortir, Sylvianne Vergotte doit «travailler 11 heures par jour, avec quelques minutes de pose à midi, et presque tous les samedis et dimanches». Se sent-elle exploitée ? «Pas du tout, c'est mon choix», répond-elle, avouant cependant qu'elle gagne «à peine plus» que quand elle était à l'usine. «Et puis ça fait trois ans que je n'ai pas pris de vacances.»
Jean-Pierre Vandier, lui, ne veut voir que des avantages à sa formule : «Leur travail dans les ateliers, c'était de l'esclavage ! Tout y était minuté, jusqu'à leurs pauses pipi. Avec moi, les couturières sont indépendantes, et elles gèrent leur temps comme bon leur semble.» Une chose est sûre : les «ouvrières associées» de Luxxa ne courent aucun risque de délocalisation. «Dans la lingerie intime, le travail doit être extrêmement soigné, souligne Luiza. Nous devons sans cesse avoir un oeil sur la production, et il serait impossible de surveiller de loin.» En plus, ajoute son mari, «dans notre secteur, le client aime bien qu'il soit écrit "made in France" sur l'étiquette». Résultat : dans les boutiques de Tokyo, Londres et Francfort, le string Luxxa s'affiche à 40 euros, et le body peut atteindre les 250 euros. «Et le secteur est en pleine expansion», insiste Jean-Pierre Vandier. Même La Redoute et les Trois Suisses sortent des catalogues de «lingeries de charme», envoyés séparément et sur demande.
«Très pointu». Il y a trente ans, le Gard, fort de centaines d'entreprises textiles, représentait une des plus importantes régions de France dans ce secteur. La montée en puissance de l'Asie, la mécanisation et les délocalisations vers des pays à la main-d'oeuvre bon marché ont réduit à 1 800 le nombre d'emplois dans cette branche. «Je cherche de nouvelles couturières tous les jours, affirme de son côté Jean-Pierre Vandier, mais le travail est très pointu, et peu de femmes sont capables de travailler bien et vite.»
avril 9, 2006 in Délocalisation, Externalisation, Offshore programming, Outsourcing | Permalink
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